Nouvelles et ressources

Trouver un mentor : le secret est dans la préparation

Rédigé par Katheryne | Jun 22, 2021 2:52:26 PM

Le mentorat est en plein essor partout en Amérique du Nord. Dans les compagnies qui forment la Fortune 500 (les 500 entreprises américaines les plus importantes selon leur chiffre d'affaires), 71 % d'entre elles offrent un programme de mentorat. Elles améliorent ainsi l'engagement et la rétention des employés.

Pour les professionnels, le mentorat est un outil de croissance. Et les résultats sont tangibles. En 2006, une étude menée par la Firme de recherche-conseil Gartner nous apprenait que :

25 % des employés ayant participé à un programme de mentorat ont vu leur salaire augmenter, contre seulement 5 % pour les travailleurs qui n'étaient pas dans un programme.

Comment trouver son mentor? Comment entamer un processus de mentorat?

Voici un guide complet sur la question. Nous aurons la chance de profiter de l'apport précieux de Mme Stéphanie Desrosiers, Première directrice, Stratégie et exécution, Placements privés à la Caisse de dépôt et placement du Québec, pour enrichir notre réflexion.

Mme Desrosiers est aussi directrice du programme de Mentorat de l'Association des femmes en finance du Québec (AFFQ), programme mis sur pied en 2013.

Qu'est-ce que le mentorat?

Le mentorat est une relation d'aide entre une personne d'expérience (le mentor) et une personne moins expérimentée (la personne mentorée ). L'objectif de la relation est de faire évoluer le ou la mentorée vers ses objectifs professionnels. L'outil principal du mentor est le « partage d'expériences ».

Mme Stéphanie Desrosiers insiste sur le caractère unique de cette relation privilégiée : « Chaque mentor puise dans ses forces personnelles, il a son approche, sa couleur. »

La forme que prendront les échanges évoluera avec le temps et selon des besoins spécifiques de la personne mentorée.

Quelle est la différence entre un mentor, un coach et un conseiller?

Ces termes, qu'on retrouve abondamment sur le marché du travail, peuvent sembler interchangeables. Ils ont pourtant des fonctions un peu différentes.

Nous résumons ici le rôle de ces acteurs du développement professionnel en un élément clé, propre à son mode de communication :

Le coach : Il fait réfléchir la personne mentorée. notamment par des questions. Il ne partage pas nécessairement son expérience personnelle.

Le conseiller : Il questionne pour comprendre. Il donnera par la suite des conseils face à la présente situation.

Le parrain ou sponsor : Le parrain ou sponsor : Il fait la promotion et ouvre des portes pour des opportunités à la personne, sans que celle-ci ne soit nécessairement présente. (Ex. : lors de rencontres des comités de direction d'une entreprise.)

Et le mentorat dans tout ça? Le mentorat peut utiliser tous ces modes. Selon la situation, le mentor ira puiser dans ces différents volets en utilisant les outils à sa disposition, que ce soit partager son expérience, faire réfléchir, agir comme conseiller ou ouvrir son réseau, par exemple.

Le mentorat utilise donc une approche hybride et souple, taillée sur mesure pour la personne mentorée.

Quel est le rôle du mentorat dans une carrière?

Le mentorat aide à prendre un pas de recul sur sa carrière et à entamer une réflexion sur les objectifs qu'on souhaite se fixer.

L'introspection vient donc en amont du processus, car c'est le fruit de cette démarche qui sera exprimé à notre mentor.

C'est en approfondissant sa réflexion initiale que la personne mentorée réalise les enjeux qui la séparent encore de ses ambitions. Les échanges auront aussi d'importants « bénéfices collatéraux » comme l'amélioration de la confiance en soi et des aptitudes communicationnelles.

Pour les organisations, la mise sur pied d'un programme de mentorat envoie le signal que : « l'avancement des employés est la richesse principale ».

À titre d'exemple, La Caisse de dépôt et placement du Québec est un partenaire du programme de Mentorat de l'AFFQ depuis les tout débuts.

À quel moment de ma carrière dois-je penser à me trouver un mentor?

On souhaitera aborder le mentorat à un moment clé : « Il faut un peu de vécu organisationnel pour bénéficier pleinement du mentorat. En tout début de carrière, on a un apprentissage technique de notre métier à faire. »

Mme Desrosiers précise qu'une expérience professionnelle minimale de cinq ou sept ans est généralement nécessaire pour approfondir la réflexion sur les objectifs de développement et ainsi pouvoir tirer le maximum d'une relation mentorale :

« On est à un moment où l'on se demande comment poursuivre notre progression. C'est souvent l'arrivée du développement des soft skills qui peuvent faire la différence entre un individu qui progresse rapidement et un autre qui avance moins rapidement ».

Ces soft skills ou « compétences comportementales », somme de toutes les qualités personnelles essentielles au succès, se raffinent sur une longue période.

Plusieurs professionnels d'expérience, occupant des postes de direction, considèrent encore le mentorat comme un élément important de leur coffre à outils.

Quelles sont les qualités du mentor à rechercher?

Le mentor est, à la base, quelqu'un qui est rendu plus loin que nous dans son parcours professionnel. Il va sans dire que sa carrière et sa vision doivent nous inspirer.

Écoutez le Balado « Le mentorat : Propulser sa carrière »

Il y a un aspect insaisissable dans la recherche d'un mentor, une synergie qui doit opérer. Une première rencontre devrait nous informer rapidement, à savoir si le « courant passe » ou pas. Voici quelques qualités de base qui devraient définir tout mentor.

 

L'implication

Le mentor n'est pas un consultant. La volonté de transmettre ses acquis sur une base volontaire doit être sincère. La personne sera en mesure d'investir du temps et abordera la relation avec transparence. En ce sens, sa capacité à se présenter sans ombrage, avec ses forces et ses faiblesses, est un élément primordial pour construire une relation d'égal à égal.

L'écoute

L'écoute active, cette capacité à verbaliser les émotions que son interlocuteur a du mal à exprimer, va bien au-delà de la « reformulation ». Afin d'y parvenir, le mentor utilisera souvent des questions ouvertes.

L'empathie

Le talent d'un mentor pour se « mettre à la place de l'autre » et comprendre le mode de pensée de la personne mentorée créera une zone sécuritaire propice aux confidences.

La capacité à donner l'heure juste

Si nous avons tous besoin d'être compris et écoutés, il est nécessaire de sentir qu'un mentor pourra donner un point de vue constructif sans tomber dans la complaisance. Le mentor doit être en mesure de dépasser les zones d'inconfort pour entrer dans la vérité. 

Il faut noter qu'une démarche de mentorat comporte toujours un aspect confidentiel, ce qui doit être mentionné clairement dans les communications d'un programme de mentorat.

Si une personne a des questionnements par rapport à l'aspect d'un programme, il existe des organismes, comme Mentorat Québec, qui peuvent agir comme source de référence générale.

 

Comment trouver un mentor?

Il n'existe pas de processus scientifique pour dénicher un mentor. Un collègue ayant plus d'expérience que nous pourrait devenir un mentor à nos yeux, sans que cela ne soit jamais nommé. D'autres relations peuvent être beaucoup plus structurées.

Il existe cependant 3 grands canaux pour entamer la recherche d'un mentor professionnel.

Le mentorat informel

Avec des personnes significatives de notre réseau. La relation n'est souvent pas nommée d'emblée, mais pourrait ultérieurement être formalisée.

Le mentorat en entreprise

Programmes établis par les entreprises. Les personnes mentorées sont formées en dyades avec des gens de l'organisation qui connaissent bien ses rouages. 

Les ressources humaines peuvent rapidement informer les employés sur l'existence de programmes de mentorat à l'interne.  

Le mentorat indépendant

Programmes offerts par des associations indépendantes, comme le programme de mentorat de l'AFFQ

La force de ces programmes réside entre autres dans l'approche de pairage. On tente de mettre en relation des personnes de milieux complémentaires, mais d'organisations différentes, ce qui permet un cadre propice aux échanges sans retenue.

Le mentorat indépendant et mentorat en entreprise : est-ce semblable?

Les trois types de mentorat (informel, en entreprise et indépendant) ont leur place et leur rôle à jouer à différents moments d'une carrière.

La principale différence entre les programmes offerts en entreprise et les programmes indépendants est plus qualitative que quantitative. Plusieurs personnes mentorées disent en effet se sentir plus à l'aise de se confier à une personne n'étant pas au sein de l'entreprise. Une situation vécue par la personne mentorée est qu'il y a souvent une tendance à gérer son image professionnelle devant un membre de l'entreprise. Et lorsqu'il y a des réserves, c'est un potentiel qui n'est pas exploité. 

Le jumelage avec quelqu'un d'un autre milieu nous donne aussi la chance de découvrir une autre culture d'entreprise, ce qui ajoute de la perspective.

Les deux approches demeurent pertinentes. Il faut simplement bien définir ce que l’on recherche.

Comment stimuler un pairage parfait entre mentor et mentorée?

L’avantage des programmes établis depuis plusieurs années, c’est qu’ils ont raffiné les différentes étapes d’un programme de mentorat (mise en candidature, sélection et pairage) dans un processus d’amélioration continue.

Tout est fait pour créer une rencontre unique à partir de la réflexion entamée par la personne mentorée.

Mme Desrosiers nous parle de l’approche de l’AFFQ :
« On met tous nos efforts pour bien informer les candidates potentielles afin de les préparer à bâtir leur dossier de mise en candidature : comment approfondir leur réflexion, comment définir leurs objectifs. On va ensuite se servir de cet outil pour trouver le mentor selon leurs besoins. C’est un travail rigoureux mais qui comporte également sa part de magie. »

L’équipe d’un programme de mentorat doit aussi assurer un suivi et un accompagnement au cours du parcours, à travers des formations et des appels individuels, par exemple.

L’accompagnement personnalisé permet de maximiser l’impact du mentorat, et ce, pour les deux parties impliquées.

« De notre côté, on ne mise jamais sur la quantité au détriment de la qualité. Si on ne trouve pas le parfait mentor pour une candidate retenue, on lui propose de resoumettre sa candidature l’année prochaine. Le programme de mentorat est inclus dans l’adhésion annuelle des membres, donc ce n’est que partie remise. Lorsqu’une candidate n’est pas retenue, généralement parce qu’elle est au début de sa carrière, nous effectuons un suivi téléphonique afin de lui donner les outils dont elle a besoin en ce moment et pour la guider dans son développement… »

Le programme de Mentorat de l’AFFQ en quelques chiffres

Conçu pour les femmes du secteur financier
qui souhaitent bénéficier du mentorat et qui ont plus de 5 à 7 ans d’expérience

Un programme d’une durée de 1 an

Plus de 150 mentorées et 65 mentors et mentores sont passés par le programme

Taux de satisfaction à 99 %

L'évolution du mentorat avec les nouveaux outils de communication

Comme l’ensemble des composantes du milieu du travail, le mentorat a évolué avec l’arrivée des mesures de distanciation physique et la myriade d’outils de communication qui s’offrent maintenant à nous.

Les associations offrant des programmes ont été aux premières loges pour voir la transformation s’opérer. Une relation de proximité comme le mentorat peut-elle s’exprimer en mode virtuel?

« Ce qu’on a vu, pour la grande majorité des dyades de notre programme, c’est que les gens y ont découvert plusieurs aspects positifs du mode virtuel, le gain de temps, la flexibilité et surtout, ils réalisaient que ça n’altère pas la chimie entre eux et leur mentor. »

Mme Desrosiers mentionne aussi la découverte de nouveaux avantages du mode virtuel pour un programme de mentorat, comme le pairage entre personnes de régions éloignées.

Le futur du mentorat

Comment la relation mentorale évoluera-t-elle au cours des prochaines années?

Probablement à travers une approche hybride, flexible. Il y aura des événements où l’on voudra se rassembler, pour lancer un programme par exemple. Pour la relation elle-même, ce sera aux mentors et mentorés de définir leur mode de fonctionnement. Il y aura peut-être une première rencontre en personne, suivie de rencontres virtuelles quand la relation sera bien établie.

On l’a vu, la relation de mentorat tire sa force dans sa souplesse, sa flexibilité et sa capacité à se nourrir des besoins de la personne mentorée pour se réinventer. Mais peu importe les canaux offerts, ou les qualités que l’on recherche chez un mentor, la relation pourra débuter du bon pied uniquement si la personne mentorée présente initialement une réflexion personnelle bien étoffée.

– Équipe rédactionnelle de l’AFFQ