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Le syndrome de l’imposteur n’est pas le vrai problème

14 octobre 2020

Chronique de 4 articles:

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Vous sentez que votre carrière est à la croisée des chemins. Cette sensation s’accompagne d’un vague sentiment de ne pas être à la bonne place, d’une sourde anxiété face à vos collègues et patrons, et d’une petite voix insidieuse et critique qui ne cesse de vous poser des questions sur votre compétence et votre crédibilité.

Vous ne savez plus très bien quel geste poser pour faire avancer cette carrière.

Vous vous dites : « Peut-être que si j’arrivais à gérer une fois pour toutes ‘mon syndrome de l’imposteur’, cela réglerait une bonne partie de mes insatisfactions et problèmes professionnels ; et surtout, cela me permettrait enfin de vivre mes ambitions au vu et au su de tous. »

À travers cette chronique, je compte faire fi de la sagesse populaire en affirmant que le Syndrome de l’imposteur n’est pas le problème de fond. Ni la confiance en soi d’ailleurs!

Qui plus est, l’ubiquité du concept de Syndrome de l’imposteur dans la culture populaire en fait l’ennemi numéro 1 à abattre pour toute femme (et tout homme) voulant se sentir en contrôle et maîtresse de son destin professionnel.

L’enjeu avec cette approche est la « vision tunnel » qui en découle. Celle-ci limite votre capacité d’approcher le développement de votre carrière de façon plus globale, structurée et intentionnelle. Elle diminue la curiosité et la créativité, et elle augmente la couche d’anxiété et de stress existante.

Et s’il y avait une meilleure option ?

Vaincre les mirages du syndrome de l’imposteur

Dans mes futurs articles, j’aborderai le développement de carrière en proposant une approche qui vise à vous en redonner le contrôle grâce à trois leviers :

  • apprendre à se connaître,
  • apprendre à apprendre, et
  • se mettre en mouvement grâce à des pratiques ciblées et itératives.

 

Mais auparavant, commençons par définir le concept du Syndrome de l’imposteur. Bien qu’il soit omniprésent dans le discours populaire, il n’en mérite pas moins un petit détour pour nous assurer d’en avoir une compréhension partagée. 

Les symptômes

Qu’est-ce que le syndrome de l’imposteur ?


Christine Lagarde et Angela Merkel

“Angela Merkel and I have talked about it (…) We have discovered that we both have the same habit. When we work on a particular matter, we will work the file inside, outside, sideways, backwards, historically, genetically and geographically. We want to be completely on top of everything, and we want to understand it all, and we don’t want to be fooled by somebody else”

Cette confession émane de Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne (BCE), ancienne directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), ancienne ministre de l’Économie de France (et autres titres des plus prestigieux).

Cette « surpréparation » qu’elle décrit est un trait malheureux du syndrome de l’imposteur et confirme cette statistique tant partagée : 70 % des adultes souffriront du syndrome de l’imposteur à un moment de leur vie, et ce, sans distinction de genre, touchant autant monsieur et madame Tout-le-monde que les plus puissants de ce monde.

Comment s’exprime-t-il chez la femme

Au féminin, le syndrome de l’imposteur est généralement vécu par des femmes brillantes, compétentes et ayant connu un certain niveau de succès professionnel. Il s’articule autour de trois sentiments interreliés : 

  • Une incapacité à s’attribuer correctement le crédit pour une réussite professionnelle (ou à accepter un échec) malgré des preuves tangibles (les réussites sont mises sur le compte de la chance, le travail d’équipe, les efforts, etc.);
  • Un sentiment persistant et omniprésent d’incompétence liée au travail ;
  • La peur constante d’être démasqué comme un imposteur.

Le syndrome de l’imposteur au travail

Dans son livre « The Secret Thoughts of Successful Women », Valérie Young décrit les comportements spécifiques à travers lesquels le syndrome se manifeste, lesquels sont, en fait, des mécanismes de défense : 

  1. Travailler trop fort ou se « surpréparer » afin d’éviter l’échec inévitable que l’on croit percevoir à l’horizon ; 
  2. Ne pas se permettre d’aller jusqu’au bout de ses ambitions afin d’éviter l’échec ;
  3. Maintenir un profil discret ou changer constamment de direction professionnelle. Ceci permet de ne jamais avoir à justifier ses succès ou échecs puisqu’on ne reste pas assez longtemps au même « endroit » professionnel ;
  4. Utiliser son charme ou son charisme pour obtenir l’approbation de ses pairs, afin d’éviter de mettre de l’avant son intelligence ou sa compétence que l’on n’estime pas méritoires ;
  5. Procrastiner (oui, moi aussi, j’ai hoché furieusement la tête en découvrant cette tendance) ;
  6. Ne pas mener à bout une tâche ou un ouvrage (son doctorat, son livre, son projet) par peur de voir le résultat de nos efforts scruté par autrui ;
  7. L’autosabotage (un autre terme qu’on connaît toutes intimement).

Quelques pistes de solution

La littérature d’affaires ou de développement personnelle regorge de suggestions pour « Dompter votre Syndrome de l’imposteur », “overcome it (le maîtriser), ou encore “ditch it (s’en débarrasser). Le but ultime et le gage de succès semblent être de réussir à ne plus ressentir ce sentiment oppressant et omniprésent. 

Pourtant, il n’est qu’un figurant dans l’histoire de votre vie. Le syndrome ne devrait pas mériter tant d’investigation. Le pari est plutôt de l’intégrer à un processus plus global et serein de réflexion sur votre personne en général, et votre carrière en particulier. 

Et la première phase de ce pari passe immanquablement par la connaissance de soi.

Développer la connaissance de soi de façon systématique

Dr Tasha Eurich, psychologue organisationnel et coach exécutif, aborde la connaissance de soi dans son dernier ouvrage « Insight ». Fait surprenant (pas tant que ça dirais-je), 80 % des gens ne semblent pas se connaître aussi bien qu’ils le croient. Cependant, la connaissance de soi est un tremplin essentiel vers le développement personnel et professionnel.  

À l’époque où j’étais consultante en gestion du changement, je ne commençais jamais un mandat client sans une étape de « cartographie de l’actuel » (current state mapping). Cette étape, souvent décriée par les clients qui voulaient directement passer aux étapes plus excitantes telles que le design de l’état futur ou même (oui ! oui !) l’implémentation d’une solution, est en fait une condition sine qua non à la réussite de tout projet. 

Une exploration plus approfondie de la connaissance de soi fera l’objet de mon prochain article. Entre-temps, voici un aperçu des éléments clefs. 

  • Elle est un processus itératif et sans fin défini; 
  • Elle nécessite créativité, temps, émotions, bienveillance, engagement, honnêteté et aide;
  • Elle comporte un volet interne (valeurs, passions, aspirations, zone de génie, réactions);
  • Elle comporte un volet externe (perception qu’ont les autres de nous).

 

Le manque de connaissance de soi a un impact direct sur notre expérience du syndrome de l’imposteur. Par exemple, ne pas avoir une bonne compréhension de nos forces et de nos faiblesses pourrait nous mener à prendre des mandats ou dossiers ne correspondant pas à nos forces. L’échec potentiel qui en découle est attribué à notre manque de compétence alors qu’il est une conséquence directe d’un manque d’alignement. 

Bien faite, cette phase d’exploration de soi débouche sur une plus grande capacité à envisager la personne que l’on veut être professionnellement, définir notre marque personnelle et clarifier nos aspirations. 

Dans les prochains articles, nous aborderons les deux autres leviers et nous approfondirons la connaissance de soi.

D’ici là, j’aimerais clore notre conversation avec la pensée suivante :

cette phase, tout comme le processus de réflexion dans lequel elle s’inscrit, se veut un espace sécuritaire et exploratoire. Sécuritaire parce qu’il ne s’avérera un succès que lorsqu’empreint de bienveillance envers vous-même.

1 Kay Katty, & Shipman Claire. The Confidence Code. HarperCollins, 2014

2 Guerin, R. (2019, 14 novembre). Domptez votre syndrome de l’imposteur en 5 étapes. lien

3 Corkindale, G. (2008, 07 mai). Overcoming Imposter Syndrome. lien

4 Josa, Clare. Ditching Imposter Syndrome. UK : Beyond Alchemy Publishing (2019)

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Bibigi Haile

Bibigi Haile 
Chroniqueuse AFFQ

Fondatrice
Speakeasy.work
Positioning and Branding strategist for women leaders

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