

L'écart de genre dans le secteur de la finance
Article 1
Y’a-t-il toujours un écart de genre dans le secteur de la finance et des assurances ?
Le secteur financier, pilier de l'économie canadienne, fait face à une réalité complexe en matière d'égalité des genres. Malgré des avancées indéniables, des écarts persistent, en particulier aux niveaux décisionnels. Cette situation a des conséquences notables pour les organisations et la société. Comprendre où nous en sommes aujourd’hui est essentiel à une progression durable dans notre secteur.
Représentation féminine en hausse, mais écarts persistants dans les hautes sphères
Si la représentation globale des femmes en finance est positive et en progression (près de 58%, selon une étude 2023 de Finance Montréal et Mercer), leur proportion diminue au fur et à mesure que l’on s’élève dans la hiérarchie. Cette même étude révèle que les femmes ne représentent que 39% des gestionnaires et 24% des cadres supérieurs dans la finance et les assurances. Au niveau des PDG, ce chiffre chute à 13 % en 2023, selon Morningstar DBRS.
“On perd les femmes en milieu de parcours", notamment en raison de la maternité et du manque de prise en compte de cette réalité par les entreprises, explique Louise Champoux Paillé, administratrice québécoise nommée Chevalière de l’Ordre national du Québec pour son engagement et ses réalisations dans le milieu financier. Celle-ci souligne la faible présence des femmes dans les postes "de première ligne" directement liés à la performance financière, ce qui entrave leur accès aux postes de direction.
Pour autant, le Québec ne manque pas de femmes influentes. Mme Champoux-Paillé a listé des femmes PDG occupant des positions clés, citant Geneviève Fortier, Isabelle Hudon ou Geneviève Biron, quelques jours avant la nomination de Claudine Bouchard à la tête d’Hydro Québec. "On en a plus qu’on ne pense ! Le problème, c’est qu’on ne les met pas assez de l’avant."
Inégalités persistantes : salaires, gouvernance et accès au financement
Concernant les conseils d'administration, les sociétés d'État ont atteint la parité (53 % de femmes en 2023 selon Statistique Canada), mais les entreprises privées sont moins avancées, avec 29,8 % des sièges occupés par des femmes, un chiffre qui monte à 38 % pour les grandes entreprises cotées à la Bourse de Toronto (rapport Osler, 2024). Louise Champoux-Paillé regrette le manque d'ambition des grandes entreprises qui se fixent des objectifs de 30 %... déjà atteints.
Bien que l’écart salarial ait diminué de façon générale, des variations sont encore présentes à divers degrés selon les secteurs : dans le secteur bancaire et des assurances, les femmes gagnent 82 sous pour chaque dollar gagné par un homme, soit un écart de 18 % (Equivision). Tanya van Biesen, PDG de Versafi, un organisme qui promeut l’équité pour les femmes dans le secteur financier au Canada, attribue cet écart à la surreprésentation masculine dans les postes supérieurs et mieux rémunérés.
Pour les femmes entrepreneures, l’accès au financement reste un enjeu, selon Géraldine Martin, PDG d’Evol, une organisation qui soutient les entreprises à propriété diversifiée et inclusive. Malgré une proportion croissante d’entrepreneures au Québec (passée de de 10,5 % en 1978 à 25 % en 2024), seulement 4 % des investissements en capital de risque au Canada en 2024 sont allés à des entreprises fondées uniquement par des femmes (Portail des connaissances pour les femmes en entrepreneuriat). Florian Roulle, vice-président, Finance Durable chez Finance Montréal, ajoute que les femmes ne représentent que 12 % des gestionnaires de fonds (Morningstar).
Bénéfices de la parité : justice, prospérité et bien-être
Le coût de l'inaction est significatif. Louise Champoux-Paillé déplore l’absence de sentiment d’urgence et le manque d'ambition dans les objectifs fixés. Selon elle, la parité n'est pas un luxe, mais une question de justice et d'égalité des chances, bénéfique pour les affaires.
Plusieurs études le démontrent : une plus grande diversité des équipes est corrélée à une meilleure performance et à une capacité d’innovation accrue. Selon Simon Painchaud, associé, Recherche et développement et co-créateur de l’effet A, la parité apporte une “rondeur” aux décisions, les rendant plus complètes et inclusives. La diversité de genre contribue également à une meilleure gestion des risques, indique Florian Roulle.
Géraldine Martin met en lumière une perte de potentiel économique : une étude de McKinsey (2017) estime que le PIB du Canada pourrait croître de 150 milliards de dollars en 2026 si la parité était atteinte. De plus, en entrepreneuriat, les femmes se distinguent par leur forte conscience sociale et leur engagement envers le développement durable, souvent motivées par le désir d'avoir un impact social. "En ne finançant pas suffisamment les femmes, nous passons à côté d'une opportunité de changer le monde", affirme Géraldine Martin.
Au niveau individuel, les écarts persistants peuvent engendrer à long terme une fatigue physique et mentale préjudiciable, selon Florian Roulle. Le manque de rôles modèles, en particulier dans certains sous-secteurs de la finance, risque selon lui de décourager de jeunes talents féminins, freinant la diversité essentielle pour l’avenir de l’industrie.
Vers une finance paritaire : qu’est-ce qui bloque?
Malgré des avancées indéniables, le secteur financier canadien est toujours confronté à des écarts de genre persistants, notamment dans l'accès aux postes de pouvoir, les niveaux salariaux et le financement des entrepreneures.
Ces inégalités représentent une perte économique significative et un frein à l'innovation. Alors, pourquoi ces écarts persistent-ils? C'est ce que nous explorerons en profondeur dans le prochain article de cette série.
Par Aria Conseils
