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Qui est votre plus grand allié?

16 décembre 2020

« Entre le stimulus et la réponse, il y a un espace … Dans cet espace est notre pouvoir de choisir notre réponse. Dans notre réponse résident notre croissance et notre liberté. »
Victor Frankl

La série d’articles de cette chronique se veut une conversation sur la gestion de carrière qui sort un peu des sentiers battus.

En effet, je ne vous propose pas ici de mettre à jour votre CV, de sortir vos cartes professionnelles virtuelles (pandémie oblige), de pratiquer vos techniques d’entrevues ou encore de vous projeter pendant trente pénibles secondes dans ce fameux ascenseur.

La conversation à laquelle je vous convie s’amorce par une question : « et si ce sempiternel syndrome de l’imposteur n’était pas le vrai problème ? » ; elle se poursuit par une exploration systématique, mais bienveillante de soi, pour s’aventurer, aujourd’hui, dans le terrain de l’état d’esprit (mindset).

Et pour cause : C’est un ingrédient clé dans notre recette, l’ingrédient qui va nous permettre d’être et rester maîtresse de notre destin professionnel.

La spirale stimulus-réponse

Le concept de Mindset est défini par le Merriam-Webster comme une posture ou tendance mentale. C’est une façon de voir et de comprendre le monde qui a un impact direct sur nos pensées, nos réactions et nos actions.

Le lien entre ces trois éléments n’est plus à démontrer, mais le schéma ci-dessous trace, pour rappel, le chemin par lequel nous passons lorsque nous posons un geste à la suite d’un déclencheur (voir article 1 de cette chronique). Le processus au complet ne prend qu’une fraction de seconde et se déroule souvent à notre insu.

L’état d’esprit au cœur de nos options

Dans le cadre des décisions liées à notre carrière, la spirale peut ressembler à ceci :

Le déclencheur/stimulus : Lydia, professionnelle senior, se fait offrir une promotion à un poste de haute direction. Elle est compétente dans le domaine, mais sait pertinemment qu’elle ne se sentira jamais accomplie dans un tel poste et qu’elle sera sûrement profondément malheureuse.
Sa pensée : « que vont penser ma famille et mes collègues si je refuse ?»
Sa réaction émotionnelle : peur et honte
Son action : accepter le poste
Le résultat : après quelques mois difficiles dans ce poste, une démission intempestive un jour de découragement, un sentiment d’échec.

Le plus grand danger de cette spirale stimulus-réponse réside dans son caractère immédiat et automatique. Il nous faut donc un outil pour la désamorcer.

C’est ici qu’entre en jeux notre état d’esprit. À ce stade-ci, je vous propose de raffiner le concept de mindset en le définissant comme :

« La croyance que nous avons en notre capacité d’opérer un changement efficace sur les ingrédients de la spirale stimulus-réponse afin d’en changer les résultats. »

L’état d’esprit au cœur de nos options

Un travail de recherche sur le concept de mindset nous mène inexorablement au travail de Carol Dweck. Cette chercheuse a défini et popularisé deux états d’esprit aux antipodes l’un de l’autre : un état d’esprit dit fixe et un état d’esprit dit de développement.

Dans un état d’esprit fixe, on aborde l’effort et le changement comme inacceptable, car comportant un risque inhérent et insupportable : celui de l’échec. La réussite, les accolades, la reconnaissance sont primordiales à notre valorisation interne ; le tout amplifié par une croyance profonde que le talent, la compétence et les habiletés sont innés et surtout immuables.

Quant à lui, l’état d’esprit de développement est ancré dans l’apprentissage : tout s’apprend. Ainsi, échecs et difficultés sont vus comme des opportunités plutôt que des risques menaçant notre identité. La question centrale dans une posture de développement est « qu’est-ce que je peux apprendre ? »

Dans le cadre de notre carrière, on cherchera donc à tendre vers un état d’esprit de développement.

Facile à dire, rétorquez-vous ?

En effet.

C’est ici qu’on se tourne vers Marilee Adams et son ouvrage Change your questions, change your life qui nous propose d’utiliser les questions comme outil pour passer d’un état d’esprit à l’autre.
Elle compare les mêmes états d’esprit que Carol Dweck, mais les caractérise comme étant un esprit de jugement et un état d’esprit d’apprentissage.

Pour passer de l’un à l’autre, dit l’auteure, il nous faut reconnaître que le véritable déclencheur de notre spirale est une question qu’on se pose (souvent inconsciemment).

Elle propose de porter notre attention (bienveillante, bien sûr !) sur cette question pour l’amener à un avant-plan conscient et ainsi avoir le pouvoir de la changer.

« Changez vos questions, changez vos pensées. Changez vos pensées, changez vos résultats. »

Revisitons la spirale en essayant de l’interrompre en posant une question différente.

Le déclencheur : l’offre du poste de haute direction
La question initiale : « que vont penser ma famille et mes collègues si je refuse ? »
La nouvelle question : « de quoi ai-je besoin pour prendre une décision qui me ressemble/respecte ? »
Réaction émotionnelle : anticipation, excitation, soulagement et curiosité
Action : 1) demander plus de temps pour prendre une décision; 2) avoir une discussion à l’interne avec son patron sur les possibilités de mouvement transversal dans un domaine qui la fascine, mais pour lequel elle n’est pas encore complètement à l’aise.
Résultat : prise d’une décision de carrière alignée sur ses valeurs et ses aspirations.

Marilee Adams ne prétend pas que l’un est mauvais et l’autre est bon. On a tous en nous le jugement et l’apprentissage. L’objectif est plutôt d’apprendre à observer nos pensées et nos actions. Ainsi, il devient possible de repérer les moments où l’on tombe dans une spirale automatique de jugement afin de l’interrompre et la rediriger avec une question intéressante et surtout bienveillante.

Ce choix que l’on fait de l’un ou l’autre de ces états d’esprit a un effet non négligeable sur le bien-être au travail et la culture organisationnelle.

Pourquoi prendre l’état d’esprit au sérieux

Dans son travail sur le syndrome de l’imposteur, Valerie Young décrit avec force détails un profil professionnel que nous (re)connaissons tous « Le génie naturel ». Le génie naturel est convaincu que la vraie compétence ne peut que découler d’habiletés naturelles et innées. Quelqu’un de véritablement compétent ne devrait pas avoir à passer du temps à apprendre, poser des questions et se tromper. Non ! Quelqu’un de véritablement compétent devrait tout comprendre du premier coup sans avoir à demander de l’aide.

Si comme moi vous reconnaissez avec désolation ce trait en vous, dites-vous que nous ne sommes pas seules. Le « génie naturel » est un avatar qui s’adopte si bien qu’il est souvent devenu un pilier inconscient ou inavoué de nos cultures organisationnelles. Il relègue à une pensée lointaine et bien trop risquée la possibilité de dire « je ne sais pas » ou encore « peux-tu me montrer ».
Une telle posture individuelle ou culture organisationnelle nous ramène tout droit à ce fameux syndrome de l’imposteur.

Il n’y a pas que notre capacité à se présenter authentiquement et en confiance dans notre milieu de travail qui subit les contrecoups d’un état d’esprit fixe (ou de jugement), notre progression de carrière en est autant affectée.

Tenez par exemple le choix que doit faire Lydia, notre professionnelle du début de cet article. Elle ne désire pas accepter l’offre d’une promotion vers un poste de haute direction. Il est permis de penser que ses prochains choix de carrière impliqueront peut-être de descendre en ancienneté ou encore d’évoluer latéralement.

De toutes les décisions que je vois les professionnelles devoir prendre vis-à-vis de leur carrière, celle de descendre d’un ou plusieurs échelons organisationnels afin d’évoluer est la plus difficile et la plus anxiogène.

C’est là que votre état d’esprit devient votre plus grand allié, car parfois, il faut reculer pour mieux bondir. « Qu’est-ce que je peux apprendre ? »

Conclusion

Dans toutes les circonstances de notre vie, notre état d’esprit peut être notre pire ennemi ou notre plus grand allié. Si vous me suivez sur les médias sociaux, vous savez que je m’inspire beaucoup du travail de Brené Brown. C’est un choix délibéré et je vous invite à explorer son travail.

Prendre le temps de faire une introspection et d’observer notre état d’esprit du moment ; prendre la décision de changer nos questions ; avoir le courage de reculer pour mieux avancer ; tout ceci requiert qu’on soit notre propre meilleure amie et plus fervente alliée.

Au risque de me répéter, c’est avec autocompassion, vulnérabilité, courage, curiosité et une envie de découverte que vous réussirez à être la capitaine de votre paquebot. Un paquebot qui va tanguer, parfois fort, mais qui vous ramènera toujours à bon port.

Bibliographie

Johnson, Whitney. Disrupt Yourself. Bibliomotion, 2015.
Frankl, Victor E. Man’s search for meaning, Beacon Press, 2006.
Young, Valerie. The Secret Thoughts of Successful Women. Crown Business, 2011.
Dweck, Carol S. Mindset. Robinson, an Imprint of Constable & Robinson Ltd, 2017.
Adams, Marilee. Change Your Questions, Change Your Life: 12 Powerful Tools for Life and Work, 2016.

 

Bibigi Haile

Bibigi Haile 
Chroniqueuse AFFQ

Fondatrice
Speakeasy.work
Career management and personal branding coach

Speakeasy.work  | Linkedin

Cet article a été réalisé grâce au partenariat avec le Secrétariat à la condition féminine dans le cadre de la Stratégie gouvernementale pour l’égalité entre les femmes et les hommes vers 2021.

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